Marie Anne Darnac (1723-...?), aristocrate suspecte ou amie de la Révolution ?
Née en 1723 à Chatillon-sur-Indre, Marie Anne d’Arnac entre dans l’histoire pendant la Révolution française : alors que règne la Terreur elle est arrêtée le 28 novembre 1793. Résidant Grande rue à Châtillon, elle est incarcérée à Châteauroux dans la prison de la Porte aux Guesdons. Les archives ont gardé la trace de l’emprisonnement de cette berrichonne qui sera libérée en mars 1794.
A partir de l’été 1793 le gouvernement révolutionnaire lance un régime d’exception face à la montée des périls. Cette « Terreur » se déploie alors dans l’Indre comme dans le reste du pays par l’instauration de comités de surveillance chargés de dresser, chacun dans son arrondissement, la liste des gens suspects, et de décerner contre eux des mandats d'arrêt. Sont alors considérés comme suspectes toutes les personnes susceptibles de nuire à la Révolution dans une acceptation très large puisque l’article 2 mentionne notamment « ceux des ci-devants nobles, ensemble les maris, femmes, pères, mères, fils ou filles, frères ou sœurs, et agents d'émigrés, qui n'ont pas constamment manifesté leur attachement à la révolution ». C’est bien en tant que noble que Marie Anne d’Arnac a été arrêtée comme elle le souligne dans une lettre envoyée le 1er février 1794 (treize pluviôse an II de la République) au représentant du peuple à Châteauroux. Elle se présente alors comme une vieille femme isolée n’ayant ni fortune ni famille. Afin de convaincre son interlocuteur elle rappelle qu’elle est certes noble mais que ce n’est pas un crime et que rien n’a été trouvé chez elle qui puisse indiquer qu’elle soit hostile à la Révolution. Elle souligne également qu’elle paie sa contribution patriotique et poursuit sa missive en demandant que la liberté lui soit rendue. Enfin, elle achève sa lettre par un « Salut et fraternité » et précise la date en mentionnant « l’an II de la république française une et indivisible ». L’utilisation de ce vocabulaire politique emblématique de la période révolutionnaire pose question : Marie d’Arnac est-elle vraiment sincère et pénétrée d’une vive conscience politique ou cherche-t-elle à amadouer ses geôliers ? Quoiqu’il en soit, elle sera rapidement libérée et retrouvera sa liberté quelques semaines plus tard.
Un autre témoignage d’une femme indrienne, Catherine Beauvais, arrêtée pendant la Terreur, montre que ces femmes avaient une certaine connaissance de leurs droits et de l’environnement politique dans lequel elles évoluaient. Comme l’ont souligné les historiens (Michel Biard (dir.). Les politiques de la Terreur, Rennes, PU de Rennes, 2008 ; Jean-Claude Martin, La Terreur. Vérités et légendes, Perrin, 2017), la Terreur a certes été un moment d’arrestations nombreuses et parfois arbitraires mais les idéaux de liberté et d’égalité proclamés depuis la Déclaration des droits de l’Homme de 1789 et l’élaboration d’une justice codifiée entre 1790 et 1791 sont entrés dans les consciences des citoyens.
On notera cependant que le témoignage de Marie d’Arnac est celui non d’un citoyen mais d’une femme ; une femme qui écrit alors qu’Olympe de Gouges, figure emblématique de la cause des femmes sous la Révolution française vient d’être guillotinée quelques jours plus tôt pour avoir critiqué Robespierre et le gouvernement révolutionnaire…
(Dossier préparé par Carole Fresneau, professeur détaché aux Archives départementales de l'Indre) Source : L 336
A l'occasion de la Journée internationale des femmes, la Déléguée départementale aux droits des femmes / DDCSPP et les Archives départementales présentent, avec les collaborations amicales de Vanessa Weinling, directrice du musée George Sand et de la Vallée noire de La Châtre, et de Sylvie Giroux, directrice du château de Valençay, un choix subjectif de biographies dédiées aux femmes indriennes.
C'est aussi l'occasion d'écouter ou de réécouter Portraits de femmes, une récente émission de la série "Mémoires vives" réalisée par la radio RCF en Berry en partenariat avec les Archives départementales.
Pour en savoir plus
Voir la série L, consacrée aux archives de la période révolutionnaire