Le départ pour restauration du Christ roman de l'église Saint-Laurent et Notre-Dame de Gargilesse (2021)
Le Christ de l’église de Gargilesse conserve encore une aura de mystère. Inscrit au titre des Monuments historiques par arrêté du 12 août 1974, il attise de nouveau l’intérêt des spécialistes depuis quelques années : d’une part, la commune et la Conservation régionale des monuments historiques souhaiteraient voir cet objet rare être classé au titre des monuments historiques, ce qui consoliderait son statut d’œuvre protégée, d’autre part une exposition dirigée par Damien Berné, conservateur au musée national de Cluny, il y a quelques années, a relancé les recherches sur cette œuvre tout à fait exceptionnelle.
Les Christs romans sont, selon le conservateur, très rares à avoir survécu en France en dehors de trois zones où ils sont concentrés : Le Velay et ses alentours, le Roussillon et, pour quelques rares exemplaires, le Languedoc. Au nord de la Loire, les Christs conservés ne sont pas antérieurs aux années 1220. Autant dire que l’exemplaire de Gargilesse est unique.
Damien Berné précise que le traitement de l’œuvre est tout à fait original. L’ampleur du torse large au modelé vigoureux offre un contraste frappant avec l’étroitesse ascétique des thorax qui caractérise communément, vers 1200, la quinzaine de Christs repérés dans le Velay. Le drapé du périzonium (le pagne dont est ceint le Christ) se distingue par le pli qui tombe en cascade entre les genoux et l’importance du nœud qui le retient. Seul un Christ présente des caractères comparables à celui de Gargilesse : l’un des deux Christs auvergnats du musée du Moyen Âge.
Une étude de structure et de polychromie approfondie a été menée sur les deux Christs de Cluny avec le concours du Centre de recherches et de restauration des musées de France. Elle a permis de mettre en valeur leurs différences de conception. Aujourd’hui, il apparaît clairement que l’un et l’autre possèdent un bras du XIXe siècle. Les bras sont en effet des éléments fragiles. L’étude du Christ de Gargilesse apparaît donc comme un jalon important de l’approfondissement de la connaissance d’une aire de production de ce type de sculpture au nord du Massif Central.
C’est la raison pour laquelle, mardi 15 juin dernier, Fabienne Bois accompagnée d’Olivier Rolland, tous deux restaurateurs de sculpture installés en Indre-et-Loire, sont venus à Gargilesse. Ils ont retiré le Christ installé au-dessus de la grande porte de l’entrée occidentale. Transporté à l’atelier de Fabienne Bois, spécialiste d’œuvres sculptées en pierre et en bois, le Christ a été placé en anoxie (cloche hermétique sans oxygène) afin d’éradiquer tous les parasites et en particulier les insectes xylophages. Puis un long et patient travail de restauration sera mené par la restauratrice. Une étude dendrochronologique permettra également d’affiner la datation du Christ de Gargilesse à partir des anneaux de croissance du bois. A suivre...