Lettre diplomatique d’Henri IV confiée à son ambassadeur François Savary de Brèves
Jacques Savary de Lancosme, natif de Vendoeuvres en Brenne, avait été nommé ambassadeur à Constantinople en 1585 par Henri III. Il avait emmené avec lui un lointain neveu, le jeune nivernais François Savary de Brèves, alors âgé de 25 ans. Celui-ci avait appris la langue turque et s’était rendu indispensable. Mais il avait fini par faire emprisonner en 1589 son oncle, hautain, maladroit et surtout hostile au nouveau roi Henri IV, pas encore devenu catholique. Le sultan Mourad III ne badinait pas avec la soumission due au « plus glorieux magnanime et grand seigneur de la créance de Jésus, Henri quatrième, Empereur de France » !
François de Brèves, par son habileté, fait vite oublier ces dissensions et succède à son oncle comme résident, puis comme titulaire. Ce dernier décède peu après, en 1591. Très apprécié des sultans Mourad III, Mehemet III et Ahmet Ier, qu’il accompagnait dans leurs expéditions, le nouvel ambassadeur obtint d’eux des privilèges ou « capitulations » pour les Français du Levant largement supérieurs à ceux de leurs concurrents anglais et vénitiens et la protection de tous les chrétiens de l’empire ottoman ; ce privilège restera acquis à la France jusqu’en 1918. Il intervient aussi pour les Franciscains gardiens des Lieux saints et leur évite les persécutions des potentats locaux… et du clergé orthodoxe.
Mais François de Brèves est aussi chargé d’une plus haute mission diplomatique ultra-secrète : depuis François Ier, le « Roi très Chrétien » de France avait une alliance avec « la Sublime Porte » de Constantinople pour prendre à revers l’Espagne et l’Empereur germanique qui, depuis Charles Quint, menaçaient la France. En 1595, une lettre codée (qui arriva au bout de quatre mois) révèle les préoccupations d’Henri IV : en passe de se réconcilier avec le pape et de déclarer la guerre à l’Espagne, il a besoin d’une diversion à l’est, en Hongrie, sur les terres de l’Empereur, ou en Méditerranée, avec les corsaires de Tunis et d’Alger, ces pirates « barbaresques », vassaux du sultan. Brèves n’obtient pas là de résultat tangible, projetant au contraire une alliance de tous les princes chrétiens contre la menace ottomane, armée européenne avant la lettre : vœu pieux. Il quitte Constantinople en 1605, voyage en Terre sainte, en Égypte et jusqu’à Tunis et Alger pour libérer des captifs. Ce voyage mouvementé sera raconté par son secrétaire.
Il revient en France, épouse la fille d’un riche parlementaire, est nommé au Conseil d’État du Roi. De 1608 à 1614, il est ambassadeur à Rome : à la cour pontificale, il défend contre l’Espagne et l’Empire germanique, ces Habsbourgs catholiques mais menaçants, l’influence de la France. Sa connaissance du Moyen-Orient intéresse le pape Paul V qui multiplie les contacts avec les chrétiens orientaux et finance sans doute la Typographia Savariana, caractères d'imprimerie orientaux qui porte son nom : « J’ai depuis mon séjour en cette ville fait travailler soigneusement à des caractères arabesques, persiens et chaldées [syriaques] pour pouvoir faire imprimer ces trois langues », écrit-il. Il publie en arabe un Catéchisme (1613) et les Psaumes (1614).
La lettre secrète d’Henri IV fut conservée parmi les titres généalogiques de la famille et parvint ainsi aux Archives départementales de l’Indre, dont elle constitue la pièce au retentissement le plus international !
Archives départementales de l’Indre, 49 J 1/62
Date de modification : 8 avril 2025